Le fonds d'investissement social Kampani sert de chaînon manquant : les exploitations agricoles ou les coopératives relativement petites qui ont besoin de plus que de la microfinance mais qui sont trop petites pour obtenir des investissements de la part des investisseurs d'impact classiques. Une subvention de notre SPF lui a permis de réduire les risques d'investissement et d'attirer davantage d'investisseurs.

Les ONG belges font du bon travail. Ainsi, elles parviennent souvent à transformer l'agriculture de pure survie des petits exploitants ou des coopératives en une activité économiquement viable, susceptible d'améliorer le niveau de vie de leurs familles. Mais pour se développer réellement - et, par exemple, conquérir de nouveaux marchés ou transformer davantage leurs fruits et légumes - elles ont besoin de capitaux.

 

Chaînon manquant

Et c'est souvent là que le bât blesse. Auprès d'une institution de microfinance, les montants qu'ils peuvent emprunter sont beaucoup trop faibles pour ce qu'ils veulent réaliser. Les development finance institutions (DFI ou institutions de financement du développement) - telles que la société belge BIO, n'interviendront que si l'investissement est d'au moins 1 million d'euros.

C'est donc assez frustrant pour nos ONG qui voient leurs excellentes réalisations ne pas vraiment aboutir en fin de compte. C'est pourquoi, en 2015, 5 ONG belges - Rikolto, Louvain Coopération au Développement, Broederlijk Delen, Trias et Oxfam - ont uni leurs forces pour lancer Kampani : un fonds d'investissement social destiné spécifiquement à ce chaînon manquant.

 

Accent social

Kampani investit des montants compris entre 100 000 et 500 000 euros avec un horizon d'investissement assez long de 10 ans. Non pas pour les frais de fonctionnement, mais pour les dépenses d'investissement telles que les terrains, les bâtiments, les machines et les équipements. Ce faisant, le fonds s'adresse aux petites et moyennes exploitations agricoles et aux coopératives qui ne sont pas prises en compte ailleurs. Le fonds est spécialisé dans l'agroalimentaire, c'est-à-dire l'ensemble de la chaîne des produits agricoles alimentaires et non alimentaires, de la production à la commercialisation et à la consommation, en passant par le stockage et la transformation.

En tant que fonds d'investissement social, Kampani adopte naturellement un fort accent social. Par exemple, elle se concentre sur l'emploi des femmes ou des communautés autochtones. Les agriculteurs - qui sont souvent très pauvres et vivent dans des régions reculées - reçoivent une aide pour investir dans l'automatisation, la mécanisation et la transformation. Cela leur permet de garder pour eux une plus grande part de la valeur ajoutée dans la chaîne de valeur.

 

Étroitement impliquée

Un aspect typique de Kampani est qu'elle est étroitement impliquée dans la gestion des entreprises ou des coopératives. Ainsi, elle délègue toujours quelqu'un au conseil d'administration. Le fonds garantit également un soutien technique supplémentaire, par exemple en matière de bonnes pratiques agricoles ou d'éducation financière. Autant de moyens d'atténuer les risques liés à l'investissement.

Le fait que Kampani s'appuie généralement sur des projets d'ONG belges ou de l'agence belge de développement belge Enabel est également un atout. Les entreprises dans lesquelles elle investit sont donc bien connues et ont déjà fait la preuve de leur solidité.

Sans oublier que le fonds est aussi rigoureusement engagé dans la « gestion durable de la chaîne ». Pour que la chaîne entière reste sociale et durable, elle fait appel à des consultants externes. Ils effectuent une analyse du marché et examinent la viabilité financière de l'entreprise, ainsi que son impact social et sa gestion.

 

Burundi : moulin sec pour le café

L'approche porte manifestement ses fruits ! COCOCA, un consortium de coopératives de producteurs de café au Burundi, est une belle réussite. Il s'agit du plus grand groupement de petits planteurs de café du Burundi, qui représente déjà 15 % de la production nationale. Et ce, en partie grâce à un investissement de Kampani qui lui a permis d'acquérir, entre autres, un « moulin sec ».

Un tel moulin sec permet de nettoyer les grains de café des fibres et des cailloux, de les décortiquer et de les trier par taille, couleur et poids. En bref, de produire un café de haute qualité, prêt à être commercialisé. Auparavant, COCOCA devait faire effectuer ces opérations ailleurs. Aujourd'hui, elle le fait elle-même et la valeur ajoutée du produit fini revient directement aux producteurs.

La transformation en interne garantit également une meilleure traçabilité - de quel agriculteur provient le café ? - ce qui est important pour obtenir des labels tels que fair trade et bio. Mais le suivi rapproché de Broederlijk Delen et d'autres acteurs a également été déterminant pour sa réussite.

 

Mede dankzij de investering door Kampani kan OJA (Benin) voortaan ook ananassap inblikken (© Kampani).

 

Bénin : jus d'ananas en conserve

Au Bénin, Enabel soutient l'expansion de la filière ananas depuis de nombreuses années. C'est ainsi que l'entreprise OJA – Original Jus d’Ananas – a acheté des ananas à 135 petits agriculteurs pour mettre leur jus en bouteille et l'exporter vers le Niger et le Burkina Faso. Pour conquérir de nouveaux marchés, l'entreprise souhaite produire du jus d'ananas en conserve.

Kampani a investi 150 000 euros, ce qui a permis à OJA non seulement d'acheter une machine de mise en conserve, mais aussi de construire un entrepôt et de se faire raccorder au réseau électrique. Grâce à l'augmentation du volume, les agriculteurs pourront vendre davantage d'ananas et verront ainsi leurs revenus augmenter.

 

Pas de rendement

Si l'approche est manifestement efficace, Kampani, en tant que fonds d'investissement, ne peut offrir que des rendements financiers limités aux investisseurs. Cela est inhérent à la stratégie d'investissement choisie. Le fonds vise à ce que chacun récupère au moins sa mise, plus un rendement égal à l'inflation. En effet, le suivi très rapproché coûte de l'argent. Mais c'est tout simplement le cœur de l'approche Kampani, car elle limite les risques en termes de gestion, etc. De plus, le groupe cible a besoin d'être guidé. En outre, les projets de Kampani peuvent également être soumis à des chocs externes tels que des catastrophes naturelles ou l'instabilité politique.

Kampani attire donc des investisseurs idéalistes dont l'objectif principal est l'impact social et qui n'attendent pas de bénéfices. Mais évidemment, cela réduit les possibilités. Le fonds en a fait l'expérience lorsqu'il a voulu développer ses activités en 2020. En raison des risques élevés, il n'a pas été évident d'attirer des investisseurs supplémentaires.

 

Subvention pour la réduction des risques

C'est alors que le gouvernement belge est intervenu. La direction générale Coopération au développement de notre SPF a accordé une subvention de 900 000 euros pour la période 2021-2024. Ainsi, Kampani a pu réduire son profil de risque et d'attirer de nouveaux investisseurs privés.

Cela a permis à Kampani d'introduire une « tranche de premières pertes ». Ce qui signifie qu'en cas de perte, Kampani en supporte elle-même les premiers 5 %. En d'autres termes, sur une action de 100 euros, l'investisseur ne perçoit la perte qu'à partir du 6e euro. Ce mécanisme abaisse clairement le seuil pour les investisseurs potentiels.

La subvention a également permis de réduire les risques d'investissement au niveau d'une transaction individuelle. Il s'agit notamment des risques de change, des risques politiques (en souscrivant une assurance) et des risques liés à l'accès au marché (en obtenant des certificats tels que fairtrade et bio, et en garantissant la sécurité et la traçabilité des aliments). L'argent permettra également à Kampani de rendre les entreprises soutenues prêtes à investir : en renforçant la capacité financière, en menant des études de faisabilité et de marché, etc.

 

14 millions d'euros, 19 contrats

L'impulsion donnée par notre SPF n'a clairement pas manqué la cible. La taille du fonds est passée de 4 à 14 millions d'euros. Aujourd'hui, Kampani gère 19 contrats en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Une usine de transformation du gingembre au Pérou, un moulin à cannelle en Indonésie, des chambres de mûrissement de bananes en Tanzanie, la production de pulpe de mangue au Kenya..., les produits sont très divers. Au total, quelque 100 000 petits exploitants agricoles sont directement atteints.

L'ambition est de croître vers un fonds de 20 millions d'euros. Cela devrait permettre de conclure 40 contrats. Actuellement, les investisseurs - outre les ONG déjà mentionnées - sont un certain nombre d'investisseurs privés, la Katholieke Universiteit Leuven, la Fondation Roi Baudouin, le Boerenbond, CERA et quelques familles fortunées.

 

Modèle à suivre

Pour notre SPF, Kampani est un partenaire important. En effet, elle constitue le pont idéal entre, d'une part, les organisations de développement traditionnelles telles que les ONG et Enabel qui fournissent une assistance technique par le biais de subventions et, d'autre part, les investisseurs d'impact tels que BIO qui investissent des montants plus importants et attendent des retours sur investissement substantiels.

Ses investissements dans les exploitations agricoles génèrent des bénéfices importants et à long terme pour les communautés concernées. En bref, en se concentrant sur le missing middle, Kampani apporte une belle contribution à la lutte contre la pauvreté et la faim. Il s'agit à juste titre d'un modèle à suivre pour d'autres secteurs tels que la santé et l'eau.

 

Sources

SDGs

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