Le contexte
Chaque année, plus de 15 millions de filles sont mariées de force avant l’âge de 18 ans. Chaque année, 16 millions de jeunes filles de 15 à 19 ans et 1 million de moins de 15 ans accouchent. Pour la plupart dans les pays en développement. En outre, 3 millions de ces filles de moins de 19 ans avortent dans de mauvaises conditions. Chaque année, on compte 22 millions d’avortements à risque pratiqués dans le monde. Dont une large majorité dans les pays en développement. Conséquences : 5 millions d’hospitalisations à cause de complications et 3 millions de femmes souffrant de complications non soignées. Les statistiques sont aussi nombreuses qu’alarmantes. Derrière ces chiffres se cachent des drames humains.
Sur le terrain, priorité à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, priorité également au droit de choisir: ceci implique l’accès à l’information, l’accès aux services de planification familiale y compris pour les jeunes,…
Nombreux sont les organisations de la société civiles (ONG, universités, ,…), les organisations multilatérales (UNFPA, ONU Femmes, OMS,…) et les gouvernements, à œuvrer pour sensibiliser l’opinion, éduquer les populations à risques, changer les mentalités, promouvoir des soins de santé de qualité et dans de bonnes conditions. Le travail s’effectue sur le long terme et demande un contact permanent avec les populations ainsi qu’une présence active et continue sur le terrain. Les zones d’intervention sont énormes : elles s’étendent jusque dans les zones rurales les plus reculées. Les budgets requis pour atteindre les objectifs fixés dans l’Agenda 2030 des Nations Unies, et faire sensiblement baisser les statistiques inquiétantes, sont colossaux. Pas moins de cinq Objectifs de Développement durable sont directement visés.
Cela démontre à quel point cette problématique est large, transversale et demande un investissement important
. Jusqu’en 2016, les acteurs du secteur pouvaient compter sur les donateurs traditionnels pour alimenter leur budget.
Mais du côté des Etats Unis, le vent a tourné.
En effet, l’aide internationale allouée à la planification familiale se retrouve soumise à une forte pression en raison du rétablissement par le président Trump de la Mexico City Policy aussi appelée « Global Gag Rule » (GGR)*. Cette règle fait en sorte que les organisations qui fournissent de l’information sur l’avortement médicalisé ou orientent les femmes vers des services d’aide appropriés sont exclues de l’aide américaine au développement.
Conséquence : en supprimant drastiquement les financements indispensables , la GGR affecte les droits des femmes et des filles et tout le secteur de la santé publique, car les organisations qui défendent l’avortement médicalisé sont aussi celles qui travaillent dans le domaine de la planification familiale, de la santé et des droits sexuels et reproductifs.
Cela signifie, à titre d’exemple, qu’un centre de santé au Bénin qui utilise un budget venant de l’état américain pour la vaccination contre le paludisme et un budget des Pays-Bas pour développer un planning familial, se verra supprimer son financement américain. Cela à cause de ses activités de conseils en matière de contrôle et de régulation des naissances, ou d’avortement sans risques. Au risque de devoir réduire considérablement ses activités, voire d’être contraint de fermer ses portes. Sachant que les Etats-Unis se retrouvent dans le peloton de tête des donateurs aux multiples acteurs de développement, l’impact de cette décision est gigantesque. Elle entraînera davantage de grossesses non désirées, d’avortements à risques, de maladies et de décès. Les conséquences seront dévastatrices pour les femmes et leurs communautés. Et les plus vulnérables seront les premières victimes.
La solution
Face à ce revirement américain menaçant les activités et la pérennité de nombreuses organisations, la réaction ne s’est pas fait attendre. C’est ainsi qu’en mars 2017, la Belgique a organisé à Bruxelles, en collaboration avec les Pays-Bas, le Danemark et la Suède, la conférence internationale « She decides ». L’événement a donné le coup d’envoi d’une campagne d’appel de fonds destinée à financer les organisations touchées par la décision américaine tout en suscitant une forte mobilisation pour la défense des droits des femmes et des filles.
Depuis, la mobilisation a pris de l’ampleur sur le terrain et s’est transformée en mouvement. Le mouvement « She decides » regroupe à présent de nombreux ‘friends of She Decides’ soit plus de 150 organisations et quelques 50.000 membres. « She decides » se définit comme une ferme déclaration en faveur des droits des femmes et des filles et plus particulièrement, en ce qui concerne leur santé et leurs droits sexuels et reproductifs. L’idée maîtresse est de permettre à chaque femme de décider librement si elle souhaite des enfants, quand, combien et avec qui, elle veut en avoir.
Pour soutenir ce mouvement mondial, la Belgique s’est engagée en 2017 à allouer 10 millions EUR supplémentaires à la thématique de la santé et des droits sexuels et reproductifs . Dans un premier temps, les contributions sont directement allouées aux organisations touchées par les mesures américaines notamment l’UNFPA et IPPF.
Cet engagement est rempli et même dépassé puisque la Belgique a alloué au total 16,5 millions d’euros en 2017. En 2018, de nouvelles décisions de financement ont été prises pour un montant de 12,4 millions EUR répartis sur plusieurs années car la GGR reste d’application pour plusieurs années:
Le résultat
Parmi les appuis de la Belgique, commençons par évoquer le programme UNFPA Supplies et ses résultats: 2 millions EUR ont été attribués en 2017 au Programme « UNFPA Supplies », un fonds thématique multi-donateurs qui vise à augmenter l’utilisation de la contraception en accompagnant plus particulièrement les femmes et filles les plus pauvres et marginalisées.
Car la demande est énorme : en 2018, plus de 214 millions de femmes et filles qui souhaitent la contraception n’y ont pas accès. Pour cette raison, l’appui de la Belgique a été renouvelé avec l’octroi d’une contribution de 4 millions EUR supplémentaires pour la période 2018-2019.
Le programme met le focus sur 46 pays qui en ont le plus besoin, dont 12 pays partenaires de la Belgique et intervient également dans les situations de crises humanitaires. Actuellement, « UNFPA Supplies » procure environ 43% de tous les contraceptifs dans les pays en développement et les met gratuitement à disposition de leur structure nationale de santé.
Le programme appuie aussi les pays en matière de renforcement de la chaine d’approvisionnement afin que les femmes et les filles aient accès aux moyens de contraception moderne là où elles vivent. Ceci implique le renforcement des capacités par des formations en matière de planification, gestion de la chaîne d’approvisionnement, gestion des stocks, collecte des données, système de gestion informatisée…
Quelques chiffres
En 2017, « UNFPA Supplies » a permis d’augmenter le nombre d’utilisatrices de moyens contraceptifs modernes de 17,9 millions de femmes et filles âgées de 15 à 49 ans et ce, dans plus de 46 pays.
Selon les estimations, l’utilisation de ces contraceptifs a permis d’éviter :
- 7,5 millions de grossesses non désirées
- 18.000 décès maternels
- 114.000 décès d’enfants
- 2,3 millions d’avortements non médicalisés
L’objectif de « UNFPA Supplies » est de permettre d’ici 2020, à 120 millions de femmes et filles supplémentaires d’utiliser les contraceptifs. La contribution belge constitue dès un appui important à l’Agenda 2030. En effet, l’accès aux contraceptifs est essentiel à la réalisation des objectifs de développement durable 1, 3, 4 et 5.
*en français : la Règle du Bâillon mondiale - RBM
Source(s)
- Reportage photos/videos: © UNFPA Supplies - © SheDecides.org – © SPF Affaires étrangères
Voir également les témoignages en vidéo
- Niger - L'école des maris - © UNFPA Supplies
- Burkina Faso - Santé de la reproduction chez les adolescents et jeunes Handicapés - © UNFPA Supplies
- Lao PDR about FP services in remote areas (EN) - © UNFPA Supplies