​​​​​​​Dans le village de Kavumu, près de Bukavu (province du Sud Kivu), des dizaines de familles ont vécu l’indicible : des fillettes enlevées dans la nuit, violées et abandonnées dans la nature. Près de cinq ans après les premières attaques et suite à une importante mobilisation internationale, un procès s’est ouvert en novembre 2017. Sur le banc des accusés, 18 suspects, dont un politicien local. Un tournant pour la lutte contre l’impunité en RDC, dans laquelle, grâce à l’appui de la Belgique, TRIAL International a joué un rôle déterminant.

Le contexte

De 2013 à 2016, plus de quarante jeunes filles, âgées de 8 mois à 12 ans, ont été enlevées et violées pendant la nuit. Le même mode opératoire a été constaté : après avoir été enlevée par un ou plusieurs hommes, la victime était violée avant d’être abandonnée dans des champs voisins. La plupart des fillettes ont été emmenées à l’hôpital de Panzi, dirigée par le célèbre Dr Denis Mukwege, pour y subir une chirurgie reconstructrice.

Initialement, ces attaques ont été considérées comme des évènements isolés et traitées comme telles par les autorités judiciaires locales. Des dizaines de familles de Kavumu attendaient en vain justice... Ce n’est qu’en mars 2016, suite à l’intégration de TRIAL International au sein de la Task Force pour la justice pénale internationale[1], que le gouvernement congolais a reconnu que ces actes pourraient constituer des crimes contre l’humanité, et en a fait un dossier prioritaire.

 

La solution

002-TrialApp_proc%C3%A8s%20Kavumu1.jpgEn collaboration avec l’hôpital de Panzi, l’ONG Physicians for Human Rights et d’autres acteurs de la Task Force, TRIAL International a lutté pour que l’affaire Kavumu aboutisse à un procès. Pour cela, elle a notamment aidé les avocats congolais dans la collecte de preuves (notamment des preuves médico-légales et des témoignages de victimes) et l’élaboration d’une solide stratégie juridique. L’objectif : démontrer que les attaques étaient le fruit d’un projet politique organisé, et non le fait criminels isolés.

En septembre 2017, le procureur militaire de Bukavu a inculpé 18 personnes pour des faits de viols constitutifs de crime contre l’humanité et d’autre infractions. Un député provincial, comptait parmi les accusés – un fait rarissime en RDC, où le pouvoir politique est souvent synonyme d’impunité.

Avant et pendant le procès, une attention particulière a été apportée à la sécurité des victimes et de leur famille, d’une part en raison de leur très jeune âge, et d’autre part en raison de la menace persistante des milices autour de Kavumu. Par exemple, TRIAL International a facilité l’organisation d’examens vidéo-filmés des victimes mineures – une première dans l’est de la RDC. Ces témoignages ont ensuite été transmis au procureur, évitant aux survivantes de répéter leur histoire et aidant ainsi à minimiser les risques de re-traumatisation.

 

Le résultat

Le 13 décembre 2017, après 17 jours d’audiences sous haute tension, la cour de Bukavu, a rendu son verdict : 11 hommes, dont le député, ont été condamnés pour crimes contre l’humanité. Tous ont reçu une peine de prison à perpétuité et les victimes se sont vues accorder des réparations allant de 5'000 USD à 15'000 USD. Le 26 juillet 2018, la Haute cour militaire de la RDC a confirmé ce verdict.

L’importance du procès Kavumu va bien au-delà des victimes et leurs familles » explique Daniele Perissi, responsable du desk Grands Lacs pour TRIAL International. « Il a ébranlé toute l’omerta et l’inertie judiciaire qui entourent les violences sexuelles dans le Sud Kivu. Cette décision est un précédent historique qui ouvre la voie à de nombreuses autres affaires. 

Source(s)

Partenaire(s)

  • TRIAL International

[1] La Task force pour la justice pénale internationale est un réseau informel d’acteurs internationaux qui coopèrent afin de soutenir le travail des juridictions militaires congolais dans l’investigation et la mise en accusation des auteurs de crimes de masse au Sud Kivu.

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