Dans certains milieux ruraux de la RDC, on a vu apparaître des engins un peu bizarres... Des motos équipées de chaises capitonnées pour les passagers qu’on appelle des moto-ambulances. Un équipement qui, en toute modestie, a la réputation d’avoir sauvé la vie de nombreuses femmes enceintes, mais également d’enfants et d’adultes en état critique.

Le contexte

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D’après la dernière enquête démographique et de santé en RDC, 1 femme sur 18 en âge de procréer décède durant une de ses grossesses (1). Un chiffre qui donne le tournis!

Ces femmes meurent à la suite de complications survenues lors de leur grossesse ou de l’accouchement. Pourtant, avec une bonne prise en charge, la plupart de ces mères de famille pourraient être sauvées si les complications étaient détectées, à temps, par un encadrement médical professionnel.

Parmi ces femmes, il y a notamment les groupes dits « à risque » : les jeunes filles dont c’est la première grossesse mais aussi ces mères qui se pensent invulnérables parce qu’elles ont déjà donné naissance à 6, voire 8 enfants.

Mais pourquoi ces futures mamans et toutes ces autres personnes à risque ne se rendent-elles pas au centre de santé ?

C’est là que se pose la double question de l’accessibilité financière et géographique.

Il faut en effet s’imaginer des villages isolés, seulement reliés par des routes en piteux état non desservis par un transport en commun et dépourvus de réseau GSM.

Quand on doit appeler et attendre l’arrivée d’une hypothétique ambulance, celle-ci doit parfois desservir une étendue aussi grande que la superficie de la Belgique. Autant dire que le malade aura déjà rendu l’âme depuis longtemps...

 

La solution

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C’est pour cela que Memisa, ONG partenaire de la Coopération belge au développement, a développé en collaboration avec les équipes cadres des zones de santé, des moyens de transport alternatifs qui se situent entre le tchipoy traditionnel et l’ambulance 4x4 tant convoitée mais indisponible. Compte tenu du mauvais état des routes, empiré par les régulières pluies, notre partenaire a constaté que dans certains endroits où les routes sont impraticables, le transport par moto ambulance représente une alternative valable et très efficace.

Car il ne faut pas rêver mais tenir compte des réalités du terrain. C’est ainsi que des motos sont adaptées pour transporter des malades entre le centre de santé et l’hôpital. Après plusieurs réflexions et tests sur le terrain, Memisa est arrivée à mettre au point un type de moto-ambulance constitué par une moto normale avec l’installation d’un siège renforcé, de fabrication locale, pour la partie arrière où le malade est transporté assis. La stabilité de ce dernier est assurée pendant le transport par une ceinture de sécurité.

Les autres types de moto ambulances expérimentées sur le terrain, où par exemple le malade est allongé, ont donné des résultats moins satisfaisants en terme de stabilité pendant le transport du malade.

 

Mais cela ne marche pas !

Ou plutôt : cela ne marcherait pas si en plus du développement de la solution technique les communautés ne se seraient pas appropriées leur ambulance.

C’est ainsi qu’un comité de gestion représentatif gère la moto-ambulance de la communauté au niveau des Centres de Santé.

Pour alimenter la « caisse de solidarité ambulance », chaque patient paie lors de sa consultation au Centre de santé, un forfait plafonné à 500 francs congolais (environ 0,25 EUR) de frais supplémentaires. Quant au tarif à charge du malade au moment du transfert avec la moto-ambulance, il est fixé à 1000 francs congolais (0,50 EUR).

C’est ainsi que le système de transport des urgences arrive à s’autofinancer pour le paiement du chauffeur, le carburant, les entretiens et les petites réparations, en offrant plus de garanties pour la pérennité du système. Le contrôle social évite que la moto-ambulance communautaire soit utilisée pour d’autres fins.

Ainsi, cette initiative contribue en toute humilité à rendre les soins plus accessibles tant d’un point de vue géographique que financier.

J’ai déjà perdu un enfant en faisant la route vers l’hôpital, explique Gode (28 ans). Fatiguée d’une marche de 30 km, lorsque je suis arrivée à l’hôpital, mon enfant était déjà mort. L’infirmier m’a averti que l’accouchement serait difficile. Cette fois, j’ai refusé de marcher ; j’ai demandé la moto-ambulance », raconte-t-elle, son bébé dans les bras.

Le résultat 

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C’est avec une très grande satisfaction que la population a accueilli ce système car en cas de besoin, elle peut désormais accéder à un transport d’urgence, à un prix abordable. Evidemment, il est aussi important de veiller à ce que les infirmiers des Centres de santé donnent des soins de qualité et savent déterminer quand il est nécessaire de transférer les malades vers l’hôpital.

Dans la zone de santé du Mosango, dans le Kwilu (ex Bandundu) par exemple, ce sont quelques 400 évacuations urgentes qui sont réalisées chaque année, avec ces moyens de transport alternatifs, ce qui représente autant de vies et de familles qui sont sauvées.

 

Tache d’huile

L’expérience que Memisa a menée depuis 2014 dans le Bandundu, a depuis fait tache d’huile dans d’autres zones de santé congolaises*. L’approche a également été intégrée dans le programme PADP** mis en œuvre par Enabel, l’Agence belge de développement. Cette intégration a aussi permis d’améliorer le prototype de la moto-ambulance grâce au partenariat qu’Enabel a développé avec les forgerons locaux de la ville de Gemena, dans la province du Sud Ubangi,, à travers son programme dans le secteur de l’enseignement technique et la formation professionnelle (EDUMOSU).

Cette synergie entre deux programmes d’Enabel apporte du travail à la population locale mais également des compétences tout en assurant la durabilité du système, puisque les réparations se font sur place.

*Dans la Zone de Santé de Bwamanda (d’une superficie de 2.500 Km2 et avec 256.000 habitants), où le PADP a mis à disposition 6 motos ambulances, 1.250 patients ont été transportés en urgence par ces engins entre le 1er janvier 2018 et le 31 octobre 2018, avec une contribution significative dans la diminution de la mortalité maternelle et infantile. En effet, les 75 % des cas transportés sont soit des enfants (50 % des cas), soit des femmes avec des problèmes liées à l’accouchement (25 % des cas)

Aussi, d’autres zones de santé où Memisa ou Enabel ne sont pas actifs, et d’autres bailleurs de fonds et agence de développement, se montrent de plus en plus intrigués par cette initiative créative et appropriée aux conditions locales actuelles.

**Programme d’Appui aux Divisions Provinciales de la Santé et aux Zones de Santé de la Coopération Belgo-congolaise

 

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